mardi 8 avril 2014

Incawasi, si, si ! (2)

Mais pour vous parler d'Incawasi, il faut aussi vous présenter l'équipe qui travaille dur chaque jour pour que les enfants aient accès à une meilleure qualité de vie. En tout, l'équipe fixe se compose de 4 membres : July, 23 ans, étudiante en psychologie, qui effectue le plus grand du travail administratif, rencontre les parents, s'informe de la situation des familles, et gère l'association avec une énergie incroyable qui nous inspire beaucoup ; Alicia, interne à Incawasi depuis plus de deux ans, étudiante en psychologie à l'Université de Cajamarca, qui va à la rencontre des familles des enfants une fois par mois afin de faire un bilan sur leur situation ; Maria-Rosa dont on vous a déjà parlé, qui intervient sur les thèmes importants de la vie de tous les jours (hygiène, violence, comportement). Marleni, depuis peu, est la nouvelle institutrice de Incawasi, et s'occupe chaque jour de vérifier que les enfants font bien leurs devoirs. Elle les aide pour toutes les matières et fait un très bon travail ; de plus, elle donne une fois par semaine des cours de langue en Quechua qui sont très intéressants ! Enfin, Sebastiana (dite Sebas) est la cuisinière de Incawasi, mais plutot considérée comme la maman de tout le monde ici. Elle vient tous les jours après avoir fait les courses au marché et prépare le petit déjeuner et le repas pour les enfants (et pour nous!) Elle connait tous les enfants et adapte les rations du repas à chacun, afin de leur donner ce qu'ils ont besoin nutritionnellement parlant. Pour terminer, Doña Fredi, la femme de ménage fidèle à Incawasi qui participe à l'hygiène de vie des enfants en leur offrant un lieu propre tous les jours.

L'équipe (non complète) de Incawasi
Comme nous vous l'avons dit auparavant, Incawasi ne se contente pas de travailler avec les enfants mais effectue aussi beaucoup de choses au niveau familial. En effet, ils ont compris que leur travail ne peut être conséquent que dans la mesure où ils ont conscience du contexte familial de chacun, et qu'ils essayent de l'améliorer ou de l'adoucir. Pour ce faire, des visites sont donc organisées une fois par mois dans les habitations de chaque enfant de Incawasi afin de faire le point sur les conditions relationnelles, professionnelles et d'hygiène des membres de la famille, et de tenter de mieux comprendre la situation des enfants. Nous avons accompagné Alicia la semaine dernière pour quelques de ces visites, et nous étions loin d'imaginer à quel point le degré de pauvreté est élevé chez certains. Par exemple, une des maisons que nous avons visitées était construite uniquement avec un mélange de terre, paille et cailloux, le tout soutenu avec quelques rondins de bois. On aurait dit une cabane que l'on construit dans les bois lorsqu'on est petit. L'habitation se compose d'une seule pièce où vivent huit personnes, dont 3 enfants. La cuisine, seulement un espèce de réchaut de fer posé dehors, à l'intérieur duquel on glisse quelques morceaux de bois pour chauffer les aliments.

Quartier de Cajamarca où vit un des enfants de l'association
La plupart du temps, les familles des enfants de Incawasi sont nombreuses, elles se composent rarement des deux parents mais vivent frères, soeurs, oncles, tantes et grands-parents tous réunis dans la même pièce. Il y a bien souvent des problèmes au sein des relations entre les membres de la famille, et cela se répercute toujours sur les plus jeunes, c'est-à-dire les enfants qui viennent à Incawasi. Certains sont victimes de violences physiques ou verbales, d'autres ont été abandonnés par leurs parents dès la naissance et vivent avec leur grand-mère, plusieurs d'entre eux ont subit des abus sexuels... la réalité est dure à entendre, et pourtant elle existe bel et bien. L'alcoolisme est très présent également, surtout dans la région de Cajamarca, et les parents deviennent souvent agressifs envers leurs enfants, emportés par la folie du Pisco ou du Rhum. Enfin, beaucoup de parents au Pérou font travailler leurs enfants avec eux dès leur plus jeune âge plutôt que de les envoyer à l'école, et cela compromet grandement leurs chances de faire des études et accéder à une carrière (il apparaît plus facile de se faire de l'argent en travaillant dans la rue que de faire des études pour en gagner). On s'est souvenu d'un enfant d'à peine neuf ans, qui pendant la période du Carnaval n'est pas venu pendant presque une semaine à l'association. Après quelques temps on a appris qu'il aidait sa mère à vendre la 'calientita' dans les rues, une boisson chaude alcoolisée, ce jusqu'à 4 ou 5 heures du matin... Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Ce que l'association essaye de faire donc, c'est surtout un travail de sensibilisation : à travers les visites, il est possible de comprendre le contexte dans lequel vivent les enfants, et, lorsqu'il devient trop tendu, on convoque les parents à Incawasi pour discuter et essayer de trouver une solution. Il ne s'agit pas d'argent, l'association n'est pas là pour résoudre les problèmes en prêtant des sous aux familles, ce qui essaye d'être changé passe toujours par une réalisation des propres problèmes, et on donne alors des conseils sur quels comportements adopter, comment élever ses enfants dans un environnement sain, etc. Pour ce faire, une réunion des mamans a lieu une fois par mois, durant laquelle July expose les différents problèmes que les familles peuvent rencontrer, et donne des conseils sur comment résoudre ces problèmes. Il s'agit de conseils de tous les types, de l'être attentif aux voitures dans les rues à comment avoir une hygiène saine pour elles et leurs enfants. July est impresionnante dans ces moments là, du haut de ses 23 ans, elle n'hésite pas à hausser le ton afin de faire comprendre aux mamans que les sujets dont elle parle sont très importants, car ils lui tiennent à coeur. Aussi, une fois par mois, Marleni l'institutrice se rend dans les écoles de chaque enfant bénéficiaire afin de faire le point avec les professeurs sur le comportement de l'élève et son assiduité en cours. Cela permet d'avoir un suivi régulier des résultats scolaires de chacun, et travailler en conséquence avec les enfants sur les sujets qu'ils maîtrisent le moins. Les membres d'Incawasi sont donc très impliqués à la fois dans leur travail au sein-même des locaux de l'association, mais aussi à l'extérieur des murs, car beaucoup d'enfants nécessitent bien plus qu'une aide personnelle dirigée vers eux directement, ils ont besoin d'un environnement familial plus sain. Ainsi, tout en respectant l'intimité de chacun, Incawasi repère les aspects sur lesquels on peut agir pour faire changer les choses et s'y atèle avec ferveur. C'est grace à eux, notamment, que la totalité des membres des "familles Incawasi" ont pu obtenir ou régulariser leurs documents d'identité (la plupart d'entre eux n'en possédaient même pas), ce qui leur permettra d'inscrire leurs enfants à l'école, d'avoir accès aux services sociaux ou encore d'ouvrir un compte en banque. Le travail effectué est donc d'une très large portée, qui s'étend bien au delà de la quarantaine d'enfants d'Incawasi.


Ainsi, Incawasi tente d'apporter une stabilité et un équilibre alimentaire, sanitaire, et social qui manquent aux enfants. On travaille dur pour qu'ils aient une chance d'entrer à l'Université, non pas par manque de capacités intellectuelles, mais par déficit des conditions sociales adéquates. Il s'agit de briser le cercle de la pauvreté en insistant sur le pôle éducatif. Peuvent-ils réussir à l'école quand ils vivent à 8 dans une maison en bois de deux pièces ? Quand il n'y a personne chez eux pour les aider au niveau scolaire parce que les parents sont analphabètes ? Quand la priorité n'est pas donnée aux études mais à l'argent rapide parce qu'il s'agit de subsister au jour le jour ? Attention, on ne dit pas que tous les enfants d'Incawasi vivent dans de telles conditions, ni que ce sont les enfants les plus malheureux du monde. Comme disait un volontaire tant apprécié : "they are not the poorest children in the world, but they still need some help". Il y a des conditions sociales à la réussite comme à l'échec scolaire, comme à la violence, comme à la richesse et à la pauvreté, c'est-à-dire que le contexte social des familles compte beaucoup dans la détermination des options qu'ont les enfants pour préparer leur avenir, et pour vivre leur présent. Ont-ils autant de chances de réussir que les élèves d'une école privée que les parents paient pour offrir à leurs enfants une meilleure éducation ? Pour certains, la violence est un jeu puisqu'ils ont grandi au milieu de violences familiales. Pour d'autres, l'école est une perte de temps puisqu'il s'agit de rapporter de l'argent à la maison dans l'urgence. D'autres encore ne voient pas l'espoir d'ascension sociale puisque tout leur entourage est constitué de personnes pauvres. Ce sont toutes ces forces/inégalités sociales qu'Incawasi tente d'affaiblir, en offrant de l'attention, de l'amour, de l'aide et de la stabilité à chacun.


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