Voilà un certain temps que nous avions envie de vous parler d'un sujet
qui fait polémique en Amérique latine, et plus particulièrement au Pérou : l'exploitation minière. L'économie péruvienne est très dépendante du secteur
minier, qui représente plus de60% des
exportations, et environ 15% des recettes fiscales du pays. L'investissement
privé dans ce secteur,
majoritairement en provenance des pays riches comme la France ou les
Etats-Unis, a triplé au cours des 20 dernières années, et la recherche de l'or, de l'argent et des autres métaux précieux continue de s'amplifier et influe grandement sur les
territoires exploités.
A une trentaine de kilomètres de Cajamarca, dissimulée derrières les hauts sommets des montagnes, se trouve l'exploitation minière de Yanacocha, ville qui ne dort jamais.
J'appelle cela une ville car c'est ainsi qu'elle fonctionne : les travailleurs
y vivent le jour et la nuit, dans la lumière constante des feux d'éclairage, et on y trouve des salles de sport et autres bâtiments construits pour permettre aux 'mineurs'
de rester là-haut. La mine a 21 ans
d'existence, et elle est considérée à ce jour comme la plus
grande mine d'or d'Amérique latine et la deuxième plus grande au monde. On y creuse pour
trouver de l'or, mais aussi de l'argent ou du mercure qui sont des métaux revendus très cher sur le marché.
Article du journal Le Monde, mars 2014 lien |
L'exploitation minière est un secteur qui consomme d'énormes ressources en eau (creuser, nettoyer les minerais et les
outils de forage,...), et depuis l'ouverture de la mine en 1993, plusieurs lacs
naturels ont été asséchés ou déplacés dans d'autres zones
sous forme de lacs artificiels afin de permettre des forages plus en
profondeur. Ce déplacement des ressources
hydriques pourrait mettre en danger tout le système d'agriculture des campesinos
(paysans) de la région de Cajamarca,
notamment à cause de la modification
du territoire engendrée par les projets
miniers.
Un autre problème se pose
toujours lié à la sphère agricole : celui de la pollution. Les machines utilisées pour creuser
dans la roche sont nettoyées avec du cyanure liquide, produit chimique dangereux dont
les niveaux relevés dans les lacs et les rivières de la région ont été jugés supérieurs à la normale ces
dernières années. Des instituts de recherche pour l'environnement ont soumis
des normes à respecter pour l'entreprise de Yanacocha, qui doivent
toujours être mises en oeuvre. Ces hauts niveaux de contamination des
eaux pourraient également se répercuter sur la vie humaine, c'est pourquoi il
est important qu'ils soient respectés.
Slogan inscrit sur une colline de Cajamarca |
En 2004, un projet de nom Conga a été lancé afin d'élargir la mine de Yanacocha, celle-ci étant en baisse de productivité depuis quelques années. A Cajamarca, on a souvent vu sur les murs ou dans des prospectus
le slogan "Conga, no va!"proné par les manifestants qui demandent la suppression de ce projet, nécessitant, selon eux, l'assèchement de 4 autres lagunes de la région, indispensablesaux systèmes agricoles d'irrigation et à l'approvisionnement en eau de plusieurs
populations andines. Certains de ces manifestants se sont regroupés sur le Cerro
Quilish où devraient commencer les
travaux de forage, et occupent le territoire jour et nuit dans une espèce de micro-société luttant pour préserver leur terre. Des affrontements parfois très violents peuvent avoir lieu entre les forces
de la police nationale et la milice de Yanacocha, et les manifestants.
Prospectus distribué dans la rue |
En fait, l'industrie minière est très peu intégrée à l'économie locale, et sert
bien plus des intérêts de niveaux national et international. En ce qui concerne
Cajamarca, seulement 1,3% de la population active est employée dans la mine, et ce sont pour la plupart des
ingénieurs mécaniques et chercheurs venant de l'étranger installés dans la ville. L'exploitation minière pose donc plusieurs problèmes, dont le principal et plus important selon nous reste un des
moins connus : il s'agit du droit d'exploitation du sol. Les grandes
entreprises s'octroient ce droit, en accord avec le gouvernement national en
vigueur qui trop souvent ne tient pas compte des populationshabitant ces
territoires, c'est-à dire que l'on vient
exploiter les ressources territoriales des peuples sans leur accord. Les
communautés Quechua et Ayamara du Pérou sont les victimes directes de leur
isolement, ne possédant pour la plupart pas
de documents d'identité et n'étant par conséquent pas considérées juridiquement en tant que citoyens devant être consultés sur l'autorisation d'exploitation de leur sol...
On a été profondément choqués d'apprendre ça, et cela nous a amené à écrire cet article afin de
pouvoir faire connaître un peu plus la
situation d'un pays aux riches ressources naturelles exploitées en continu. Certes, le monde de la mine
fournit du travail à un nombre certain de
personnes (toutefois souvent moins chanceuses que les ingénieurs de Yanacocha, exemple à Potosi en Bolivie où l'on met une pioche entre les mains d'enfants d'à peine 6 ans...), et il est sûr que la mine représente un atoût économique important pour le pays, mais nous
pensons que trop souvent sont oubliées les conséquences sur le plan
humain. Le marché des métaux précieux, depuis la conquête de l'Amérique du Sud par leseuropéens, a évolué en parallèle avec un non-respect des populations locales
et de leurs droits. Que ce soit au niveau de l'eau, du sol ou pire, de la vie humaine,
les grandes entreprises économiques ont l'avantage
sur le "droit du sol" des personnes habitant les territoires exploités. Mais d'où vient cet avantage ? En quoi les grands acteurs de l'économie mondiale sont-ils supérieurs sur le plan décisionnel aux hommes et femmes luttant pour la protection de leur
environnement naturel ? En réalité, ils sont sanctionnés parce qu'ils n'ont pas voulu entrer dans le moule du système économico-politqueactuel, et ne sont ainsi pas considérés en tant qu'hommes et femmes possédant des droits. C'est une constatation qui nous amène à une réflexion sur la dualité entre être humain et être économique : vers quelle attitude tendons-nous ?
Où se situe la limite entre
humanité et économie ? Entre l'eau et l'or ? A méditer...
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