lundi 5 mai 2014

La mine de Yanacocha


Voilà un certain temps que nous avions envie de vous parler d'un sujet qui fait polémique en Amérique latine, et plus particulièrement au Pérou : l'exploitation minière. L'économie péruvienne est très dépendante du secteur minier, qui représente plus de60% des exportations, et environ 15% des recettes fiscales du pays. L'investissement privé dans ce secteur, majoritairement en provenance des pays riches comme la France ou les Etats-Unis, a triplé au cours des 20 dernières années, et la recherche de l'or, de l'argent et des autres métaux précieux continue de s'amplifier et influe grandement sur les territoires exploités.

A une trentaine de kilomètres de Cajamarca, dissimulée derrières les hauts sommets des montagnes, se trouve l'exploitation minière de Yanacocha, ville qui ne dort jamais. J'appelle cela une ville car c'est ainsi qu'elle fonctionne : les travailleurs y vivent le jour et la nuit, dans la lumière constante des feux d'éclairage, et on y trouve des salles de sport et autres bâtiments construits pour permettre aux 'mineurs' de rester là-haut. La mine a 21 ans d'existence, et elle est considérée à ce jour comme la plus grande mine d'or d'Amérique latine et la deuxième plus grande au monde. On y creuse pour trouver de l'or, mais aussi de l'argent ou du mercure qui sont des métaux revendus très cher sur le marché.

Article du journal Le Monde, mars 2014
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 L'exploitation minière est un secteur qui consomme d'énormes ressources en eau (creuser, nettoyer les minerais et les outils de forage,...), et depuis l'ouverture de la mine en 1993, plusieurs lacs naturels ont été asséchés ou déplacés dans d'autres zones sous forme de lacs artificiels afin de permettre des forages plus en profondeur. Ce déplacement des ressources hydriques pourrait mettre en danger tout le système d'agriculture des campesinos (paysans) de la région de Cajamarca, notamment à cause de la modification du territoire engendrée par les projets miniers.

Un autre problème se pose toujours lié à la sphère agricole : celui de la pollution. Les machines utilisées pour creuser dans la roche sont nettoyées avec du cyanure liquide, produit chimique dangereux dont les niveaux relevés dans les lacs et les rivières de la région ont été jugés supérieurs à la normale ces dernières années. Des instituts de recherche pour l'environnement ont soumis des normes à respecter pour l'entreprise de Yanacocha, qui doivent toujours être mises en oeuvre. Ces hauts niveaux de contamination des eaux pourraient également se répercuter sur la vie humaine, c'est pourquoi il est important qu'ils soient respectés.

Slogan inscrit sur une colline de Cajamarca
En 2004, un projet de nom Conga a été lancé afin d'élargir la mine de Yanacocha, celle-ci étant en baisse de productivité depuis quelques années. A Cajamarca, on a souvent vu sur les murs ou dans des prospectus le slogan "Conga, no va!"proné par les manifestants qui demandent la suppression de ce projet, nécessitant, selon eux, l'assèchement de 4 autres lagunes de la région, indispensablesaux systèmes agricoles d'irrigation et à l'approvisionnement en eau de plusieurs populations andines. Certains de ces manifestants se sont regroupés sur le Cerro Quilish où devraient commencer les travaux de forage, et occupent le territoire jour et nuit dans une espèce de micro-société luttant pour préserver leur terre. Des affrontements parfois très violents peuvent avoir lieu entre les forces de la police nationale et la milice de Yanacocha, et les manifestants.

Prospectus distribué dans la rue

 En fait, l'industrie minière est très peu intégrée à l'économie locale, et sert bien plus des intérêts de niveaux national et international. En ce qui concerne Cajamarca, seulement 1,3% de la population active est employée dans la mine, et ce sont pour la plupart des ingénieurs mécaniques et chercheurs venant de l'étranger installés dans la ville. L'exploitation minière pose donc plusieurs problèmes, dont le principal et plus important selon nous reste un des moins connus : il s'agit du droit d'exploitation du sol. Les grandes entreprises s'octroient ce droit, en accord avec le gouvernement national en vigueur qui trop souvent ne tient pas compte des populationshabitant ces territoires, c'est-à dire que l'on vient exploiter les ressources territoriales des peuples sans leur accord. Les communautés Quechua et Ayamara du Pérou sont les victimes directes de leur isolement, ne possédant pour la plupart pas de documents d'identité et n'étant par conséquent pas considérées juridiquement en tant que citoyens devant être consultés sur l'autorisation d'exploitation de leur sol...

On a été profondément choqués d'apprendre ça, et cela nous a amené à écrire cet article afin de pouvoir faire connaître un peu plus la situation d'un pays aux riches ressources naturelles exploitées en continu. Certes, le monde de la mine fournit du travail à un nombre certain de personnes (toutefois souvent moins chanceuses que les ingénieurs de Yanacocha, exemple à Potosi en Bolivie où l'on met une pioche entre les mains d'enfants d'à peine 6 ans...), et il est sûr que la mine représente un atoût économique important pour le pays, mais nous pensons que trop souvent sont oubliées les conséquences sur le plan humain. Le marché des métaux précieux, depuis la conquête de l'Amérique du Sud par leseuropéens, a évolué en parallèle avec un non-respect des populations locales et de leurs droits. Que ce soit au niveau de l'eau, du sol ou pire, de la vie humaine, les grandes entreprises économiques ont l'avantage sur le "droit du sol" des personnes habitant les territoires exploités. Mais d'où vient cet avantage ? En quoi les grands acteurs de l'économie mondiale sont-ils supérieurs sur le plan décisionnel aux hommes et femmes luttant pour la protection de leur environnement naturel ? En réalité, ils sont sanctionnés parce qu'ils n'ont pas voulu entrer dans le moule du système économico-politqueactuel, et ne sont ainsi pas considérés en tant qu'hommes et femmes possédant des droits. C'est une constatation qui nous amène à une réflexion sur la dualité entre être humain et être économique : vers quelle attitude tendons-nous ? Où se situe la limite entre humanité et économie ? Entre l'eau et l'or ? A méditer...

"Sans eau, il n'y a pas de vie"
  



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